ROLE DES MUTUELLES SOCIALES DANS LA COUVERTURE SANITAIRE UNIVERSELLE

 

Raymond Diégane NDONG

·     Contrôleur principal du Trésor de Classe exceptionnelle (E R)

·     Certifié en Gestion des entreprises (Option Finances-Contrôle)

·     Diplômé Supérieur de Gestion des Services de Santé (MBA)

    Consultant- Directeur du Cabinet « Fagapa Conseil »

                Spécialiste en mutualité sociale

    Spécialiste en Comptabilité Analytique Hospitalière

ü  Chevalier de l’Ordre National du Lion (Sénégal)

ü  Officier de l’Ordre National du Lion (Sénégal)

Téléphone +221 77 640 90 55 – Email : dieganeray@gmail.com

 

 


 

RÔLE DES

MUTUELLES

DANS LA

COUVERTURE

SANITAIRE UNIVERSELLE

 

Décembre 2021

 

 

 

 

 

 

 

 

SOMMAIRE

INTRODUCTION.. 3

1.                    QU’EST–CE QUE LA « COUVERTURE SANTE UNIVERSELLE ?. 3

2.                   QUEL RÔLE POUR LES MUTUELLES ?. 5

2.1             TYPES DE MUTUELLES AU SENEGAL. 5

2.1.1 LES MUTUELLES COMPLEMENTAIRES. 5

2.1.2 LES MUTUELLES COMMUNAUTAIRES. 6

2.2             QUE FONT OU DEVRAIENT FAIRE LES MUTUELLES ?. 6

2.2.1 LES MUTUELLES ACTEURS DE LA PROTECTION SOCIALE. 6

2.2.2 LES MUTUELLES ACTEURS DE L’ECONOMIE SOCIALE ET. 6

2.2.3 LES MUTUELLES ACTEURS DE LA PREVENTION, DE LA PROMOTION DE LA SANTE ET DU DEVELOPPEMENT DE LA GOUVERNANCE. 7

2.2.4 QUE FONT REELELLEMENT LES MUTUELLES ?. 7

3.                   QUELLE STRATEGIE DE COUVERTURE SANITAIRE UNIVERSELLE AU SENEGAL ?. 8

3.1             L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE ET DE CONTRÔLE DE LA MUTUALITE.. 8

3.2  STRATEGIE DE MUTUALISATION DES POPULATIONS.. 9

3.3             LA GESTION DE L’ASSURANCE MALADIE.. 10

CONCLUSION.. 11

                                                                                                 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

INTRODUCTION

Il est important de revenir sur la question de la Couverture Sanitaire Universelle et du rôle que les mutuelles pourraient y jouer.

En faisant au passage, une distinction entre Couverture Maladie Universelle (CMU) et Couverture Sanitaire Universelle (CSU), plus large, nous abordons le thème du rôle des mutuelles en présentant une typologie des mutuelles au Sénégal, et de ce que les mutuelles pourraient apporter à la protection sociale, à la couverture sanitaire universelle, à la lutte contre la pauvreté et à la bonne gouvernance.

En particulier dans la gestion du mouvement mutualiste et de l’assurance maladie, notre approche vise :

Ø   La création de l’Office national de la mutualité

Ø   La Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) .  

 

 

1.  QU’EST–CE QUE LA « COUVERTURE SANTE UNIVERSELLE ?

Du point de vue de l’OMS, il y’a trois dimensions dans la Couverture sanitaire universelle : (ii) les services de santé offerts, (ii) la population couverte (iii) l’accessibilité financière

·       L’étendue des services de santé offerts aux populations

Les services de santé que vise la Couverture sanitaire universelle comprend :

ü  La maladie : permettre aux populations de pouvoir se soigner, ce qui requiert une bonne répartition de la carte sanitaire, l’existence d’un bon plateau technique et des ressources humaines suffisantes et de qualité

ü  La prévention, aspect majeur de la santé ;

ü  Les soins palliatifs,

ü  La réadaptation

ü  La promotion de la santé : l’éducation pour la santé permet aux populations de cerner les déterminants de la santé et travailler pour la protection de leur santé (absence de maladie, bien-être physique et mental, bonne nutrition et bonne alimentation, éducation, habitat décent, infrastructures routières  etc

·       Les populations qui utilisent les services de santé

A cause de plusieurs facteurs, les populations ne fréquentent pas toujours les services de santé, soit parce qu’ils sont trop éloignés, ou sous équipés, ou n’ont pas de personnels de qualités, ou que les soins sont coûteux, ou que le poids de la tradition est trop et si fort que les populations préfèrent recourir à d’autres méthodes etc.

La CSU vise à étendre le nombre de personnes qui recourent au système de santé, de sorte que la santé soit pour tous.

·       La couverture financière des populations pour bénéficier de soins de qualité sans se ruiner : réduire le paiement direct en faveur du co-paiement.

Si les populations sont dans l’obligation de de renoncer à recourir aux structures de soins, le plus souvent c’est pour des raisons de soins coûteux et même parfois ruineux, ceci surtout du fait du paiement direct. Selon les Comptes nationaux de la Santé 2006-2008 du Sénégal (parus en 2013), les versements directs des ménages représentent en moyenne 35,1% de la dépense nationale de santé, soit environ 110 milliards FFCA en 2008.

La CSU vise à ce que les ménages puissent se soigner sans recourir au paiement direct, de sorte à bénéficier de soins de qualité dont par co-paiement et sans se ruiner parce qu’elles auront une couverture sanitaire.

 

La Couverture sanitaire universelle serait ainsi un objectif vers lequel devrait tendre chaque pays selon d’une part ses spécificités politiques et ses moyens et d’autre part  des indicateurs de performances qui permettent d’évaluer le niveau de progrès réalisé. La CSU est alors une trajectoire non verticale ni uniforme, mais serait plutôt un mouvement sinusoïdal, d’élévation de ses trois dimensions, de l’inférieur vers le supérieur.    

 

Ces trois dimensions sont intrinsèquement liées entre eux et renvoient à deux questions :

Ø  Quelle organisation du système de santé ?

Ø  Quel financement de la santé ?

Chaque pays traite des deux questions selon ses spécificités et ses ressources, ainsi les résultats obtenus qui ont concouru aux trois dimensions, mesureront le niveau d’atteinte de ce pays dans la couverture sanitaire universelle.

La réponse à ces deux questions nécessite une profonde réflexion et la définition de stratégies adéquates y relatives. Par exemple pour l’aspect financement de la santé, définir des axes stratégiques comme :

Ø  les ressources à mettre dans la santé (impôts directs et indirects, taxation de certains produits, budgets pour les mutuelles etc…

Ø  le financement de la gratuité :

ü  des certains soins (au Sénégal : Plan Sésame, Césariennes gratuites, Dialyse,  soins de moins de cinq ans gratuits etc…, )

ü  du filet de protection sociale (au Sénégal : les bourses familiales, les cartes d’égalité de chances)

ü  etc

Ø  l’organisation de la contribution des ménages par une assurance maladie, ce qui pose la problématique de la mutualité sociale.

 

 

 

2. QUEL RÔLE POUR LES MUTUELLES ? 

Au Sénégal, la couverture maladie est disparate et se répartit entre

Ø  Le secteur privé avec l’assurance privée et les IPM,

Ø  Le secteur public avec l’imputation budgétaire et les mutuelles complémentaires,

Ø  Le secteur informel avec les mutuelles professionnelles communautaires,

Ø  Le secteur communautaire avec les mutuelles communautaires,

Ø  Les ménages à leur compte (sans aucune couverture)

 

2.1     TYPES DE MUTUELLES AU SENEGAL

Au Sénégal, il y’a deux types de mutuelles : les mutuelles complémentaires et les mutuelles communautaires.

 

2.1.1 LES MUTUELLES COMPLEMENTAIRES

Au Sénégal, aux termes de la loi 61-33 du 15 mars 1961 portant statut général de la fonction publique et de son décret d’application N° 72-215 du 7 mars 1972 portant sécurité sociale des agents de l’Etat, l’Etat  assure  la couverture maladie de ses agents et des membres de leurs familles par le biais de l’Imputation budgétaire en prenant en charge les 4/5ème des frais de soins (consultations, analyses et examens, hospitalisation), en dehors des médicaments.

Afin de renforcer leur couverture médicale, les agents des administrations de l’Etat ont mis sur pied des mutuelles de santé avec comme principale préoccupation la couverture sanitaire des membres et de leurs ayants droit pour la prise en charge du 1/5ème restant des frais de soins et un pourcentage conséquent de 50 à 80 % des frais de médicaments.

Cette attitude des agents de l’Etat est d’autant plus justifiée que selon les enquêtes, (ou ce que disent tous les spécialistes) les médicaments représentent 60% du protocole de soins mais ne sont pas concernés par l’imputation budgétaire.

Ces mutuelles sont ainsi dénommées « mutuelles complémentaires », sont mises en place par corporation administrative à l’exception de la Mutuelle de santé des agents de l’Etat ouverte à tout agent de l’Etat.

En 2015, ces mutuelles ont été regroupées dans une Union des mutuelles complémentaires d’envergure nationale, mais de plus en plus, des mutuelles s’en détachent. Par exemple, celles des Régies financières du Ministère de l’Econome et des Finances ( Douanes, Impôts et Trésor) qui ont mis sur pied une Union des mutuelles du Ministère de l’Economie et des Finances (UMEF) en attendant d’y intégrer la mutuelle des autres Directions des Ministères en charge Finances et de l’Economie en cours de création.

 

2.1.2 LES MUTUELLES COMMUNAUTAIRES

Les mutuelles communautaires ne bénéficient d’aucune couverture préalable et parce que ne comptant exclusivement que sur les cotisations de leurs membres, elles sont dites « au premier franc ». Elles sont implantées dans les quartiers, les villages, autour des communes et des collectivités locales, autour de franges du secteur informel etc…

Ces mutuelles regroupées depuis les années 2013-2014 en unions départementales de mutuelles, lesquelles regroupées en unions régionales puis finalement en union nationale des mutuelles communautaires, sont le champ d’intervention de l’Agence de la Couverture Maladie Universelle mise en place en Janvier 2015.

Les mutuelles du secteur informel sont certes des mutuelles professionnelles, mais communautaires par ce qu’au premier franc.

 

2.2     QUE FONT OU DEVRAIENT FAIRE LES MUTUELLES ?

Il serait indiqué de présenter d’abord ce qu’est et devrait être et faire un mutuelle avant d’aborder ce qu’est la réalité mutualiste au Sénégal.

 

Les mutuelles sont des acteurs:

(i)     des socles de protection sociale (protection sociale et lutte contre la pauvreté)

(ii)   de la couverture maladie (assurance maladie)

(iii) de la prévention et de l‘éducation pour la santé

(iv)  de la bonne gouvernance et de l’élargissement de la démocratie etc….

 

2.2.1 LES MUTUELLES ACTEURS DE LA PROTECTION SOCIALE

Selon l’OIT[1], la protection sociale universelle est un ensemble de politiques et de

programmes visant à réduire et à prévenir la pauvreté et la vulnérabilité tout au long du cycle de vie. Parce qu’offrant une couverture sanitaire à leurs membres et ayants droit, les mutuelles œuvrent à la réduction de la pauvreté et de la vulnérabilité financière des familles. De fait, elles sont des acteurs importants des socles de protection sociale et concours à l’atteinte de certains ODD. Si la CSU est une composante de la protection sociale, les mutuelles à leur tour contribuent à l’atteinte de la CSU et donc jouent un rôle important dans la protection sociale.

 

2.2.2 LES MUTUELLES ACTEURS DE L’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE (ESS)

Les ressources engrangées par les mutuelles et leur part de dépenses dans la dépense nationale de santé (certes encore faibles au Sénégal) en font des acteurs économiques notamment de l’Economie sociale et solidaire.

L’analyse du poids des mutuelles pourra se faire à partir de certains agrégats fournis par les Comptes nationaux de la Santé (2006-2008) suivants : le financement de la santé est constitué des sources privées (46 %) dont les ménages, des sources publiques (37%) et des sources extérieures (17%). Dans les fonds privés (ménages, employeurs, ONG, et autres), les fonds des ménages représentent 87,1%. C’est à partir des fonds des ménages que l’on retrouvera deux données qui nous intéressent ici : la contribution directe des ménages (86,9% des fonds privés ou encore en moyenne 35,1% de la dépense nationale de santé, soit environ 110 milliards FFCA en 2008) et la part des mutuelles (1,5 % des fonds privés). Deux enseignements sont tirés :

Ø  la contribution directe des ménages est immense et engage les populations à s’appauvrir de plus en plus pour se soigner, indicateur qui nous éloigne d’autant de

la couverture sanitaire universelle. D’où l’enjeu et le défi de réduire la contribution directe des ménages.

Ø  la part très faible des mutuelles (1,5 %) interpelle pour un renforcement de la mutualisation des populations et en conséquence pour une réduction de la part des paiements directs. Des pas importants ont certainement été faits depuis 2008, ce que pourrait confirmer l’Agence de la Couverture Maladie Universelle.

 

2.2.3 LES MUTUELLES ACTEURS DE LA PREVENTION, DE LA PROMOTION DE LA SANTE ET DU DEVELOPPEMENT DE LA GOUVERNANCE

Les services du Ministère de la Santé trouvent dans les mutuelles un véritable terreau de la Prévention et de l’éducation pour la Santé, à travers :

·       les campagnes de vaccination néonatales, contre les épidémies et les pandémies à

partir des équipes de Districts, les services de la Direction de la Prévention  etc

·       la promotion de la santé et l’éducation pour la santé, à partir notamment du Service d’Education pour la Santé: organisation d’ateliers et de forums d’information sur les déterminants de la santé, sur la santé et la lutte contre la pauvreté etc…

Partant et de ce fait, l’organisation de telles rencontres et la tenue des assemblées générales seront un véritable terrain de renforcement de la démocratie et de la gouvernance, en particulier au bénéfice des femmes qui auront un cadre idoine d’expression démocratique. 

 

2.2.4 QUE FONT REELELLEMENT LES MUTUELLES ?

Sans informations sur ce que font les mutuelles communautaires notamment avec ou dans la stratégie de l’Agence de la Couverture Maladie Universelle, la réalité au niveau des mutuelles complémentaires est que leur activité principale porte sur la gestion de l’assurance maladie à travers ;

Ø  la gestion administrative financière et comptable : administration, gestion des adhésions, gestion des cotisations etc,

Ø  la gestion des prestations  de soins : relations avec l’offre de soins et le conventionnement,

Ø  la gestion des relations avec les officines pharmaceutiques.

Certaines mutuelles complémentaires organisent de temps en temps des journées.

 

Au regard de cela, les mutuelles sont très loin de réaliser leur feuille de route, mais ce travail devrait pouvoir être impulsé par un « Office » en charge de la mutualité.

 

 

3. QUELLE STRATEGIE DE COUVERTURE SANITAIRE UNIVERSELLE AU SENEGAL ?

L’ONU comme l’OMS ont suffisamment insisté sur le fait que chaque pays a la latitude d’organiser l’atteinte de la Couverture sanitaire en faisant en sorte que les populations puissent obtenir d’un maximum de services de santé de qualité, sans encourir au paiement direct et sans se ruiner. Pour ce faire chaque pays pourra définir une stratégie alliant l’organisation du système de santé à un financement approprié de la santé.  

Dans ce cadre, les techniciens, voire les citoyens se réservent le droit d’émettre leur avis sur la question, ce qui est notre cas par la présente contribution.

Le règlement N°002/2011/COM/UEMOA du 31 Août 2011, déterminant les modalités et procédures de constitution, d’agrément et d’immatriculation des mutuelles sociales et de leurs structures faitières, en son article 8, identifie l’organe en charge de la gestion administrative des mutuelles sous forme d’un organe dédié. Nous comprenons que l’UEMOA recommande l’érection d’un cadre spécifique  

 

3.1     L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE ET DE CONTRÔLE DE LA MUTUALITE

Ce cadre dédié suggéré par l’UEMOA pourrait être un Office chargé de l’organisation administrative, du contrôle administratif et financier des mutuelles à travers des procédures ;

·       d’agrément et d’immatriculation des mutuelles sociales,

·       d’assistance des mutuelles : animation, encadrement, formation etc…

·       du contrôle administratif et financier des mutuelles sociales,

C’est cet organe qui pourra aider les mutuelles à jouer leur rôle véritable dans la couverture sanitaire universelle en impulsant la ténue d’évènements mutualistes comme :

Ø  la journée annuelle de la mutualité

Ø  les conférences d’échanges et de partages etc…

 

3.2  STRATEGIE DE MUTUALISATION DES POPULATIONS

Selon les statistiques de l’Agence de la Couverture Maladie (sources internet), « la couverture maladie des populations par les mutuelles de santé́ et le système d'assistance médicale pour les enfants et les personnes âgées est de 34,39%. A ce taux s'ajoutent les personnes couvertes par les régimes obligatoires ramenant la couverture de la population sénégalaise à 45,39% au 30 juin 2019 ». Le document de « Stratégie d’extension de la couverture du risque maladie des sénégalais » (Août 2008)[2] fixait le taux de couverture en 2008 à 20,13%. Selon ces données, de 208 à 2019

le taux de couverture serait passé du simple au double (de 20,13 %¨à 45,39%) , ce qui pourrait être dû à la politique de couverture maladie initiée par le Gouvernement : élargissement des gratuités, fonds de solidarité, mise en place de l’Agence de la Couverture maladie  etc.  Les secteurs privé et public étant peu extensibles en termes de protection sociale et d’assurance maladie, il va de soit que l’élévation du taux de couverture va être cherché dans les grandes masses des populations urbaines et rurales, et qui appartiennent de fait aux secteurs rural, du transport, et des quartiers populaires des agglomérations urbaines. Il n’y a qu’un seul moyen d’intégrer ces populations dans la couverture, c’est par le biais des mutuelles, d’où l’importance et l’enjeu de l’enrôlement des populations dans les mutuelles.  

La « Plateforme de Lomé[3] » suggère de tendre ; « Vers une adhésion obligatoire. La première étape consiste dès lors à rendre obligatoire l’adhésion à une assurance maladie. Tout en cherchant à développer l’assurance maladie pour le secteur formel (en partie complétée par des mutuelles), les autorités publiques peuvent étendre l’assurance maladie au secteur informel (rural et urbain) en s’appuyant principalement sur les mutuelles ».

Face à l’emprise des croyances et du fait de l’analphabétisme, l’adhésion des populations est effectivement faible et lente, au point que l’on serait tenté de développer cette approche « d’adhésion obligatoire ». Cependant pour un pays comme le Sénégal qui n’a jamais connu de régime de contrainte ouverte et physique, l’obligation des populations posera de nombreuses difficultés, voire certaines hostilités ouvertes. Même pour le cas du Rwuanda que l’on cite souvent, l’adhésion s’est faite non pas de façon obligatoire, mais graduellement, par zones et selon des stratégies de plus de conviction que de contraintes, alors que pour cela, ce pays était dans un contexte beaucoup plus favorable que celui actuellement du Sénégal. La deuxième contrainte de taille, porte sur le modèle de financement de la santé adéquat capable d’assurer la pérennité de la stratégie. Ces mesures de sensibilisation peuvent, comme le suggère la « Plateforme de Lomé », être connectées à des mesures contraignantes comme une sorte de « passe » mutualiste, n’ouvrant certains secteurs qu’aux détenteurs d’une carte d’assurance maladie ou de mutuelle de santé. La tâche principale de l’Organe administratif de la Mutualité serait de définir et de développer une stratégie de massification des mutuelles existantes et d’extension des mutuelles en s’appuyant sur les notables traditionnels et religieux, les leaders d’opinion, les porteurs de voix, les relais communautaires, les « baajenu gox »

(les tantes du quartier», le ‘’bon exemple’’ des fonctionnaires et des élus locaux etc…

 

3.3     LA GESTION DE L’ASSURANCE MALADIE

Au Sénégal, nous sommes en présence de plusieurs régimes d’assurance maladie : certains sont contributifs libres, d’autres contributifs obligatoires (les IPM) d’autres encore non contributifs basés sur l’impôt. Cela se traduit par une extrême fragmentation de la couverture sanitaire ce qui ne favorise pas l’extension et la massification mutualistes. Nous préconisons la mise en place d’une Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM), dont la mission serait de :

Ø  Mobiliser et de centraliser toutes les ressources qui financent l’assurance maladie (cotisation des mutuelles, part de l’Etat pour la prise en charges de ses agents, les ressources des gratuités, les cotisations des IPM, les ressources budgétaires d’appui aux mutuelles et à la CMU, les ressources des collectivités locales  etc… Ce sera le principe de l’UNICITE DE CAISSE

Ø  Prendre en charge les dépenses de tous les régimes constitutifs de la CNAM .

 

Cette approche tranche à la fois avec :

  • L’Agence de la Couverture Maladie, et comme nous défendions lors du ‘’CONSAS[4]’’ de préparation de l’élaboration de la politique de couverture maladie universelle (2012), il faut :

(i)                     différencier Couverture sanitaire  universelle et Couverture Maladie

         Universelle

(ii)                   mettre en place l’Office National de la Mutualité ; cadre de gestion

         administrative, technique et de contrôle de la mutualité

(iii)                  créer une Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) qui régler

         la question de la fragmentation des régimes.

Ce que nous préconisions et aujourd’hui encore, tranche l‘Agence de la CMU. Nous pensons que l’Agence de la CMU ne pourra pas servir à la fois d’Office National de la Mutualité sociale, et de Caisse Nationale de Couverture Maladie.

  • La « Plateforme de Lomé », qui suggère « La gestion et l’organisation de la CSU reposant sur une délégation de gestion confiée aux mutuelles par l’État » … en respectant les principes fondamentaux des mutuelles et une articulation générale entre tous les acteurs dans la CSU ». Ce point de la délégation de gestion confiée aux mutuelles par l’État est à notre avis très discutable et ne recoupe pas avec la vision que nous nous sommes faites depuis les travaux de préparation de la création de la CMU (2012). Les mutuelles, et pour longtemps encore n’assureront pas une part très significative du financement de la santé, et leur degré d’organisation et de capacités techniques et financières  de gestion ne seront pas à la hauteur du risque pour que l’Etat, de ci-tôt, leur confie la gestion de la CSU.

 

 

CONCLUSION

Le thème a donné l’occasion d’agiter à nouveau la problématique de la Couverture sanitaire universelle et son rapport avec la couverture maladie universelle ; Ce rapprochement interpelle les pouvoirs publics à intégrer d’avantage les aspects de prévention et de promotion de la santé, mais aussi dans la lutte la maladie, intégrer les soins palliatifs et la rééducation, en vue d’une approche heuristique de la Couverture sanitaire universelle. Les trois dimensions de la CSU ont permis de voir les relations intrinsèques :

  • de la CSU avec la protection sociale et la lutte contre la pauvreté,
  • des mutuelles avec la CSU,
  • des mutuelles avec l’économie  notamment sociale et solidaire.

 

 



[1] - Rapport mondial sur la protection sociale. Protection sociale universelle pour atteindre les objectifs de développement durable. 2017-2019. Bureau International du Travail. Genève. 2017. Disponible à partir de : https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---dgreports/--- dcomm/documents/publication/wcms_624892.pdf

[2] - document de stratégie d’extension de la couverture du risque maladie des populations sénégalaises ‘Août 2008

[3] - La Plateforme de Lomé est un document adopté à l’unanimité, lors de la Conférence internationale‘’Le Pari de la Mutualité pour le XXIe siècle’’ qui s’est déroulée du 22 au 23 janvier 2019 à Lomé, Togo.

[4] CONSAS : Concertations sur la Santé et l’Action sociale en 2012 d’où a résulté la Politique de CMU»

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog